Commerces en ligne & distribution : impact environnemental

Margot Cadier

Content, Communication @Sami

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À retenir 💡

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, la livraison à domicile n'émet pas forcément moins que l'achat en boutique !
La plupart des émissions des entreprises viennent de leurs émissions indirectes (scope 3) et c’est aussi le cas des revendeurs. Leurs émissions dépendent donc principalement... de celles de leurs fournisseurs.
Pour diminuer significativement leurs émissions, les revendeurs doivent ainsi sensibiliser leurs fournisseurs et leurs consommateurs, mais aussi utiliser des transports moins carbonés ou optimiser leurs livraisons.

Aujourd'hui, le commerce en ligne est en plein essor, et ce n’est pas le succès du Black Friday qui dira le contraire : rien qu’en 2022, les commandes ont augmenté de 6% par rapport à l’an dernier.

Mais ce bond est-il une bonne nouvelle pour la planète ? Pas vraiment, car les émissions de CO2 du commerce en ligne viennent en réalité s’ajouter à celles du commerce physique, et non s’y substituer. Le plus efficace pour réduire son empreinte carbone en tant que revendeur reste donc d’identifier ses plus grands postes d’émissions et de les réduire… que ses produits soient vendus en ligne ou en boutique !

1. Impact environnemental du commerce en ligne et du commerce physique

1.1 Le commerce en ligne, un marché en pleine expansion 

Difficile de passer à côté des chiffres impressionnants du commerce en ligne ces dernières années : en seulement 7 ans, les ventes sur Internet ont connu une croissance exponentielle de 96,5%, et plus particulièrement à partir de 2020 où on estime que 40% des acheteurs français ont augmenté leurs achats sur Internet selon une étude de ChannelAdvisor

Des chiffres qui s’expliquent principalement par la crise du Covid-19 qui a profondément bouleversé les habitudes de consommation des français avec les restrictions sanitaires, l’essor du télétravail et du numérique en général. Les consommateurs ont ainsi reporté leurs achats habituels en boutique sur les commerces en ligne, et notamment pour les produits de première nécessité.

Toutefois, cette expansion reste à nuancer : contraints pendant la pandémie de commander sur Internet, de nombreux français ont aussi renoué avec les commerces physiques depuis leur réouverture. 

Surtout, les achats en ligne ne se font pas uniquement sur Internet : 47% des ventes réalisées sur un site e-commerce seraient en réalité issues d’un parcours d’achat multicanal selon le Monde. Beaucoup de consommateurs démarrent leurs achats en ligne, puis vont en magasin pour voir le produit ou demander conseil à un vendeur… avant de terminer leur commande sur Internet. Conséquence ? La mobilité des consommateurs ne baisse pas, et la consommation énergétique des entreprises ayant un site e-commerce continue à croître. 

Plutôt que de se substituer aux émissions du commerce classique, celles du commerce en ligne semblent donc s’y ajouter, ce qui ne diminue pas les émissions de CO2 du secteur… mais au contraire, les augmente !

1.2 Le commerce en ligne vs commerce physique 

L’empreinte environnementale du commerce en ligne est en réalité un sujet clivant. On lit souvent que ce dernier serait plus écologique que le commerce physique parce qu’il éviterait les déplacements individuels en voiture pour se rendre en boutique. Pourtant, de nombreux experts s’accordent à dire que malgré son apparence de dématérialisation via le numérique, le commerce en ligne est une activité fortement carbonée

Alors, qui du commerce en ligne ou du commerce physique remporte la médaille de l’activité la moins carbonée ?🏅

Au risque d’être déçus, c’est un match en réalité serré et même complexe, car tout dépend des critères de comparaison utilisés. 

Verdict ? Personne ne sort véritablement victorieux de ce match commerce en ligne vs commerce physique, car tout dépend des éléments comparés et les chiffres dont nous disposons aujourd’hui ne permettent pas d’affirmer catégoriquement que l’un est moins émetteur que l’autre.

Ce qui est sûr, c’est que le commerce en ligne engendre lui aussi des émissions de CO2, et si l’on ne fait rien pour les réduire, son expansion pourrait bien devenir problématique pour la planète. 

L’enjeu principal est donc de continuer à adapter nos usages et à participer à la décarbonation du secteur du commerce et de la distribution, quel que soit le mode d’achat !

2. D’où provient la pollution carbone du commerce et de la distribution ?

Tout ce qui se mesure s’améliore, tout ce qui ne se mesure pas s’ignore. Autrement dit, pour mettre en place un plan de réduction efficace, il faut d’abord mesurer ses émissions !

2.1 La plupart des émissions des entreprises viennent de leur scope 3 !

Pour lutter contre le changement climatique, le point de départ pour toute entreprise est de mesurer ses émissions de CO2. Pour cela, il faut réaliser un bilan carbone de son entreprise et cela passe, entre autres, par le calcul de ses émissions réparties en 3 paramètres, les fameux scope 1, 2 et 3.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le scope 3, qui représente les émissions indirectes, correspond en moyenne à 90% des émissions totales des revendeurs !

Un chiffre que l’on retrouve, entre autres, dans le bilan carbone d’une marketplace réalisé par les experts de Sami : tout ce qui est lié à la matière première et la composition des produits (les intrants) représente en effet la quasi-totalité des émissions soit 97,9% contre 0,8% pour le numérique, et seulement 0,2% pour le fret. 

💡Découvrez tous les résultats du bilan carbone anonymisé de la marketplace ici 

Pourtant, nombreuses sont les entreprises qui ne mesurent que leurs deux premiers scopes, parfois pour des raisons réglementaires (la mesure du scope 3 n’était pas obligatoire pour les entreprises françaises de plus de 500 salariés avant le 1er Janvier 2023) , mais aussi parce que le scope 3 concerne principalement des produits que les entreprises de revente ne fabriquent pas, et qu’elles n’auraient donc pas à comptabiliser dans leur bilan carbone. 

C’est notamment le cas d’Amazon, leader du e-commerce mondial, qui ne prend en compte que les émissions liées à ses propres produits alors qu’ils ne représentent qu’1% de la totalité des produits vendus sur sa plateforme !

Contrairement à d’autres acteurs de la distribution comme Target, le géant du e-commerce ne comptabilise donc pas les émissions qui entrent dans la fabrication de l’ensemble des produits qu’elle commercialise, ni même celles qui en découlent. Conséquence : le bilan carbone de Target est trois fois plus élevé que celui d’Amazon, alors que ce dernier a réalisé un chiffre d’affaires de 100 milliards de dollars de plus que Target !

Mais Amazon n’est pas la seule entreprise dans ce cas : une étude de Carbon Market Watch explique que parmi les 24 entreprises mondiales qui se disent leaders en stratégie climat, 17 (dont Amazon) excluent du calcul de leurs émissions toutes celles qui sont liées à la fabrication, l’utilisation et l’acheminement des produits vendus. Pourtant, sans scope 3, difficile d’atteindre les objectifs de neutralité qu’elles se sont fixées ! 

En résumé, comptabiliser les émissions liées au scope 3 permet non seulement d’avoir un vrai impact sur le climat, mais oblige aussi les revendeurs à faire pression sur leurs fournisseurs pour qu’ils mesurent les émissions de leurs produits vendus, et contribuent à la réduction de leur empreinte carbone.

Pour cela, il faut analyser à la fois les émissions liées à la fabrication de la marchandise mais aussi à son usage en réalisant des analyses de cycle de vie (ACV) des produits vendus, de leur fabrication jusqu’à leur destruction. Un exercice périlleux lorsqu’on sait que certains sites e-commerce ont des milliers de références produits, ce qui nécessite parfois un calcul plus “macro” pour se concentrer sur les principales catégories de produits vendues.

2.2 Les autres émissions du commerce et de la distribution

S’il est le plus important, le poste d’émissions concernant la fabrication et l’usage des produits des revendeurs n'est évidemment pas le seul. Parmi les autres émissions : l’énergie, le numérique, le fret, les déchets comme les emballages ou encore les bâtiments comme les magasins et entrepôts.

L’énergie ⚡

La part de l’énergie dans les émissions du secteur de la distribution est également importante, notamment pour les grandes surfaces spécialisées et alimentaires. Ces dernières consomment principalement de l’électricité pour la production de froid commercial, quand les autres magasins et les entrepôts logistique ont pour premier usage l’éclairage

Les activités de support et de vente en ligne (sites e-commerce) nécessitent, elles aussi, une importante quantité d’énergie pour leurs services informatiques, comme les ordinateurs et les serveurs. 

Le numérique 💻 

En effet, le numérique nécessite une consommation énergétique importante selon le trafic mensuel généré par le site de commerce en ligne. Selon une étude de Greenmetrics, la consommation énergétique mensuelle d’Amazon grâce au trafic mensuel généré sur sa page d'accueil (la plus élevée parmi les 15 plateformes e-commerce analysées) correspond aux émissions générées après 12,86 millions de kilomètres parcourus en voiture électrique

Le fret 🚚

Autre poste d'émission : le fret. Celui-ci est particulièrement accentué avec un système de livraison en continue qui implique de nombreux déplacements du livreur provoqués, entre autres, par des offres de livraisons ultra rapides et sans frais supplémentaires. Ces dernières, de même que la livraison à l’international, entraînent également un recours à des modes de transport plus rapides et plus carbonés, comme l’avion. 

Par ailleurs, les revendeurs et marketplaces utilisent le fret pour faire transiter les produits depuis l’usine du fournisseur jusqu’au consommateur final, ou pour les reprendre et les renvoyer à la case départ… c’est-à-dire chez le fournisseur. 

Certains revendeurs ne centralisent pas non plus l’envoi des paquets, et peuvent envoyer plusieurs colis différents au même destinataire alors qu’ils constituent une seule et même commande !

Les déchets 🗑️

Les déchets des entreprises de distribution se composent principalement d’emballages de transport des produits (cartons, films plastiques, cagettes etc.), et pour les sites e-commerce, d’emballages des produits vendus

Les autres déchets sont souvent liés à des incidents de la chaîne d’approvisionnement, ou sont des déchets dits “de fonctionnement” (papiers de bureau, matériels et équipements en fin de vie, etc.). 

Les magasins et entrepôts 🏢

Construire un magasin, une grande surface ou un entrepôt de stockage de produits génère bien sûr des émissions de CO2. 

Mais au-delà du bâtiment, construire des entrepôts sur des terres agricoles ou non artificialisées empêche les terrains exploités de servir de puits de carbone, pourtant nécessaires à la stratégie de contribution carbone des entreprises !

3. Leviers pour décarboner le commerce en ligne

3.1 Quelles mesures prendre pour le fret ?

Si le fret n’est pas le poste d’émissions le plus élevé dans le secteur de la distribution et du commerce en ligne, c’est un levier sur lequel il est plus simple d’agir que la fabrication des produits qui, elle, dépend principalement des fournisseurs

Privilégier un fret moins carboné 

  • Fret amont : privilégier le transport maritime plutôt que le transport aérien pour limiter l'empreinte carbone du produit acheté.
  • Fret aval : proposer à ses consommateurs un système de pré-commande pour éviter d’avoir trop de stocks dans les entrepôts, et de devoir les renvoyer au fournisseur. 
  • Décarbonation du dernier kilomètre, voire du trajet entre l’entrepôt et le domicile du consommateur, en privilégiant des modes de transports peu carbonés comme le vélo cargo ou les motorisations alternatives autres que thermiques. 

Optimiser les livraisons 

  • Proposer au consommateur des options qui permettent d’optimiser la livraison au moment de la commande : la possibilité de grouper les commandes livrées à domicile ou de retirer son colis en point relais.
  • Réduire au maximum les livraisons trop rapides (moins de 24h) et de pays trop éloignés géographiquement.

3.2 Pour avoir un impact significatif, il faut surtout modifier l’usage et la fabrication de ses produits vendus en ligne

Certes, la plupart des émissions viennent de la fabrication et des usages des produits vendus. Mais il est parfois difficile de récolter les données de ses fournisseurs et de les amener à mettre en place des actions de réduction, cela ne dépendant tout simplement pas de vous.

Pourtant, il existe plusieurs manières de les inciter à agir : 

Sensibiliser ses fournisseurs 

  • Agir sur la performance carbone de ses fournisseurs en les incitant par exemple à faire leur bilan carbone, et en leur donnant un maximum d’informations pour qu’ils puissent le réaliser (solutions technologiques comme Sami, aides financières comme le Diag Dacrbon’Action, etc.). Il est tout à fait possible d’ajouter ces informations lors d’un envoi d’un questionnaire fournisseurs, nécessaires pour récolter les données liées à leurs produits et faire son propre bilan carbone en tant que distributeur ou revendeur.
  • Repenser son activité en profondeur en modifiant son catalogue de produits et son offre pour réduire ses émissions, et faire pression sur ses fournisseurs qui ne voudraient pas voir leurs produits supprimés du site ou du catalogue.
  • Rédiger une charte achats responsables et relations fournisseurs qui vous obligerait à ne travailler qu’avec des fournisseurs responsables.

💡Découvrez la charte d’achats et relations fournisseurs de Sami ici

Sensibiliser ses consommateurs 

  • Afficher l’empreinte carbone des différents types de livraison (point relais ou à domicile, délai de livraison, etc.) en réalisant votre propre bilan carbone ou l’ACV de chaque catégorie de produits vendue. Aujourd’hui, le consommateur est uniquement informé du coût et de la livraison du produit, mais rarement de son empreinte carbone, alors que 70% d’entre eux privilégient les sites internet mettant en avant une démarche éco responsable selon la Fevad.
  • Proposer des produits issus de l’économie circulaire (de seconde main) si ce n’est pas déjà le cas. Sans surprise, les sites e-commerce qui ont la meilleure empreinte environnementale selon Greenmetrics sont Greenweez et Back Market !

Conclusion : le commerce en ligne peut sembler, au premier abord, une alternative durable au commerce traditionnel mais plutôt que de s’y substituer, il engendre de nouvelles émissions de CO2. La croissance du secteur se fera donc au prix d’un impact carbone de plus en plus élevé si l’on n’agit pas rapidement, et ce, quel que soit le mode d’achat. Pour changer véritablement la donne, il faut sensibiliser ses fournisseurs et ses consommateurs à un commerce plus vert, et notamment, en évaluant l’empreinte carbone des produits vendus.

Alors, prêts à agir ?

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