Les acteurs du textile face à la problématique environnementale

Guillaume Colin

Head of Climate Expertise @Sami

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1. Le secteur textile accélère son engagement environnemental

La dynamique du secteur textile en faveur d’une transition bas-carbone est forte, notamment portée par de jeunes marques et la volonté croissante des consommateurs d’être informés sur l’impact environnemental de leur garde-robe.

La récente tribune d’un certain nombre d’acteurs en faveur d’une régulation plus forte, les expérimentations en cours de l’affichage environnemental, ou encore le lancement récent du wikipédia de l’impact carbone des produits textiles (CarbonFact) sont autant de signes d’un changement de paradigme de l’industrie textile.


«"En accompagnant des acteurs du textile, nous offrons aux entreprises du secteur la possibilité de décarboner leurs activités tout en permettant au consommateur final d'adopter une consommation plus raisonnée et plus responsable". »
Guillaume Colin - VP Carbone chez Sami

2. Problématique pour une marque : comment mesurer les émissions de mon produit ?

La Base Carbone de l’ADEME dispose d’un certain nombre de facteurs d’émissions génériques pour différents articles d’habillement et chaussures.

Ces facteurs sont une bonne base de calcul pour qui souhaite avoir un premier aperçu de l’impact carbone d’un produit textile représentatif de sa catégorie.

Extrait de “Modélisation et évaluation du poids carbone de produits de consommation et biens d’équipements”, Septembre 2018, ADEME

Néanmoins, cette approche est très limitante en termes de précisions des résultats, et n’est en particulier pas adaptée aux marques textiles qui commercialisent des articles innovants (matières premières labellisées bio, cuir vegan, procédés relocalisés, etc.) s’éloignant des standards du marché.

En effet, se baser sur des valeurs moyennes ou valeurs génériques ne permet pas de refléter la réalité des processus physiques sous-jacents au produit textile de la marque; et par ailleurs cela ne permet pas de valoriser et vérifier la pertinence des actions engagées par la marque (ai-je bien fait de choisir tel produit plutôt que tel autre?), et encore moins de s’engager dans une démarche d’éco-conception.

Forts de ce constat, nous avons décidé chez Sami de développer un outil d’évaluation de l’impact environnemental de produits textiles (pour le moment en version spreadsheet, en cours d’intégration dans notre outil en ligne), afin de pouvoir modéliser les spécificités de chaque produit textile et ne pas se contenter de valeurs génériques.

Nous avons déjà accompagné plusieurs marques dans cette dynamique, parmi lesquelles BonneGueule, Monsieur T-Shirt, Caval, Wopilo, etc.

3. Des Analyses de Cycle de Vie (ACV) en phase avec les exigences de l’affichage environnemental

L’outil que nous avons développé intègre les valeurs d’impacts environnementaux (changement climatique, eutrophisation, etc.) par flux de la Base Impacts de l’ADEME et est aligné avec la méthodologie de l'Analyse du Cycle de Vie (ACV) et le référentiel de l’affichage environnemental des produits textiles en France..

La Base Impacts est en effet particulièrement adaptée :

  • Elle est très riche en données sur le secteur textile (tant en termes de matières premières que de données secondaires sur les procédés de mise en forme et fabrication).
  • Elle permet de modéliser des impacts environnementaux variés (qui ne se limitent pas au carbone), et ainsi de réaliser une ACV simplifiée de vos produits.

L’approche cycle de vie permet d’estimer toutes les étapes de la vie propres à votre produit (de l'extraction des matières premières à son élimination en fin de vie) et garantit ainsi des résultats personnalisés.

Cette approche a de multiples avantages :

  • L’ACV (critère changement climatique) peut alimenter le Bilan Carbone(R) de votre entreprise et grandement réduire l’incertitude des résultats.
  • Elle permet de mettre en avant des leviers de réduction de vos impacts environnementaux et s’inscrit dans une démarche plus large d’écoconception
  • Il s'agit d’une approche multicritères qui s'inscrit ainsi parfaitement dans une démarche d’affichage environnemental (le changement climatique et l’eutrophisation des eaux douces sont parmi les impacts environnementaux évalués). En outre, les indicateurs d'impact environnemental que nous évaluons sont en phase avec les méthodes recommandées par la Commission européenne dans le cadre des travaux du PEF - Product Environmental Footprint (paquet EF 3.0).

L’outil permet ainsi de modéliser toute la chaîne de valeur d’un produit textile :

  • Matières premières (jusqu’au filage du coton par exemple),

Exemple de périmètre d’évaluation d’impact environnemental du fil de laine de mouton dans la Base Impacts. Le périmètre de calcul s’arrête à l’étape de filage (spinning).

  • Mise en forme des matières premières : injection moulage, encollage, etc.
  • Logistique amont : données de transport pour l'approvisionnement des matières premières et des emballages vers les lieux de mise en forme des matières premières.
  • Fabrication et assemblage (tissage, confection, finition, etc.).
  • La Base Impacts(R) permet notamment de modéliser l’électricité et la chaleur (par type, gaz naturel, biomasse, etc.) nécessaires pour chaque procédé de transformation textile et donc d’évaluer l’impact environnemental pour chaque pays où est réalisé le procédé. On parle ainsi de données secondaires (les données primaires étant les données réelles de consommation d’énergie des sites de fabrication sollicités).
  • Des taux de perte (chutes de production) peuvent également être modélisés pour chaque procédé de transformation ou fabrication.
  • Logistique aval : cela recouvre les 4 étapes de distribution du produit fini (transport jusqu'aux entrepôts, stockage dans les entrepôts, transport jusqu'aux lieux de vente et stockage sur les lieux de vente, qu’il s’agisse de commerce en ligne, de ventes en direct dans des magasins ou via des tiers, etc.)
  • Utilisation : entretien des produits textiles (nombre de cycles, lavage, séchage, repassage, utilisation de détergent,  etc.)
  • Des valeurs par défaut issues de la documentation sur l’affichage environnemental du secteur textile peuvent être utilisées le cas échéant (e.g 50 cycles d’entretien pour une chemise).
  • Fin de vie : collecte et tri du produit fini, traitement du produit fini en fin de vie (incinération, mise en décharge, recyclage)

En préalable de la modélisation en tant que telle, une cartographie des flux est généralement réalisée afin d’avoir une vision précise des flux physiques intervenant à chaque étape du cycle de vie.

Exemple de cartographie des flux réalisée pour l’un de nos clients

4. Aperçu des matières premières au sein de la Base Impacts

La Base Impacts permet de modéliser l’impact environnemental de plusieurs dizaines de matières premières : des matières naturelles (fils de coton, laine, etc.), artificielles et synthétiques (fils de polyester, etc.), recyclées (fil de coton recyclé, etc.), des textiles complexes (mousses PU, etc.), ou encore des tissus enduits ou laminés.



Impacts carbone de certaines matières premières (hors chutes de production), en jaune les matières dites naturelles, en bleu les matières dites artificielles et synthétiques, et en violet les matières recyclées.

Les fils de coton et laine recyclés ressortent comme étant les moins émissifs de GES.

Source : Base Impacts Version 2.01

Afin de pouvoir couvrir encore plus de matières utilisées par nos clients, nous avons complété la Base Impacts de données issues d’autres bases de données (EcoInvent, la base Kering, Higg Index, etc.) qui peuvent se révéler utiles dans certaines circonstances (par exemple, pour évaluer l’impact environnemental du coton biologique).

Néanmoins, nous privilégions autant que possible l’usage d’une seule base de données par produit afin de garantir l’homogénéité des résultats, et être en ligne avec les attendus de l’affichage environnemental.

5. Zoom sur l’impact environnemental du cuir

Le cuir est une matière fréquemment utilisée dans le secteur textile.

Au-delà des questions d’éthique animale que soulève l’usage de cuir (d’origine animal), nous avons constaté dans la littérature que l’impact environnemental du cuir n’est pas encore consensuel.

S’il ne fait pas de doutes que les étapes de tannages (tannage wet-white/blue, finition post-tannage, etc.) sont émissives et doivent être modélisées, il y a en revanche une absence de consensus sur l’éventuelle prise en compte  dans l’impact du  cuir des émissions liées à l’élevage.

Le PEFCR du cuir suggère qu’une partie des émissions provenant de l'élevage (12 % pour les animaux vivants, allocation biophysique) et des abattoirs (3,5 % pour les cuirs et peaux, allocation économique) doit être allouée à la production de cuir, tandis que l'ADEME n'alloue aucune émission provenant de l'élevage au cuir, considérant que le cuir est un sous-produit de l’industrie (et évoquant le fait que de nouvelles réflexions devraient être conduites).

Chez Sami, nous réalisons des analyses de sensibilité afin de montrer l’éventail des résultats possibles en fonction des règles d’allocation retenues.

La marque textile peut ainsi prendre la mesure du poids potentiel du cuir dans l’impact environnemental complet de son produit.

6. Quelles leçons retenir pour une marque textile ?

Pour les marques ne réalisant pas en propre la mise en forme des différentes matières ou sous-traitant certaines étapes du process de fabrication, il peut être difficile d’avoir une vision précise et suffisamment granulaire de la chaîne de valeur et des procédés mis en jeu.

Se lancer dans la réalisation d’une ACV (même simplifiée) implique donc que la marque soit prête à y consacrer des ressources non négligeables (potentiellement quelques jours de collectes de données), afin de garantir la robustesse des résultats.

La bonne nouvelle est que le jeu en vaut largement la chandelle, et qu’il s’agit d’une première étape indispensable à la démarche plus générale d’éco-conception.

Afin d’accélérer leur engagement en faveur de la transition bas-carbone, les recommandations généralement formulées sont les suivantes :

  • Relocaliser vos procédés de fabrication/mise en forme, ou à défaut les réaliser dans des pays au mix énergétique bas-carbone.
  • La relocalisation a en effet plusieurs vertus combinées. Elle réduit simultanément l’impact environnemental des étapes industrielles et de logistique amont et aval
  • Les procédés et étapes industrielles (filature, tissage, teinture, ennoblissement) sont souvent prédominants en termes d’impacts environnementaux, il y a donc un intérêt fort en faveur de la relocalisation des procédés dans des pays européens à l’électricité bas-carbone ou engagés dans des trajectoires de décarbonation rapides et de pénétration des ENR dans leur mix électrique (France, Portugal etc.).
  • S’engager avec l’ensemble de ses fournisseurs et acteurs de sa chaîne de valeur.
  • Une alternative à la relocalisation pour les marques textiles peut être de se rapprocher de fournisseurs ou ateliers s’approvisionnant de manière privilégiée en énergies renouvelables (par exemple, via des contrats de type Power Purchase Agreement, ou à défaut des garanties d’origine ou certificats verts). 
  • D’une manière générale, l’engagement fournisseur consiste à interroger ses principaux partenaires (ateliers, fournisseurs, etc.) sur leur maturité et engagement environnemental, en les questionnant par exemple sur la réalisation de bilan carbone de leur activité, sur les actions de réduction de leur impact éventuellement engagées, etc.
  • S’engager dans l’économie circulaire et de la fonctionnalité en favorisant la recyclabilité et durabilité des produits commercialisés, voire en mettant au cœur de la proposition de valeur la vente d’un service plutôt que la propriété d’un produit.

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