Tout comprendre à l'affichage environnemental

Guillaume Colin

Head of Climate Expertise @Sami

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L’affichage environnemental va devenir obligatoire en France et en Europe dans les prochaines années. Certaines entreprises participent déjà à une expérimentation du processus… D’autres l’adoptent volontairement au sein de leur démarche RSE afin d’anticiper la réglementation. 

L’affichage environnemental est une note apposée sur les produits ou services. Elle informe sur leurs impacts environnementaux et elle devrait se présenter sous la forme d’un score brut et d’un visuel à afficher sur les produits en magasin et en ligne.

Les deux premiers secteurs concernés par cet affichage environnemental sont ceux du textile et de l’alimentaire. Il n’y a pas encore d’obligation mais il est possible pour les entreprises volontaires de ces deux secteurs de mettre en place cet affichage environnemental dans une démarche encadrée depuis le 1er janvier 2024. 

Quels sont les objectifs de l’affichage environnemental ? Comment calculer la note ? Quels secteurs sont et seront concernés et à quelle échéance ? Comment vous y préparer ? On vous dit tout sur le sujet !

1. L’affichage environnemental : définition, objectifs, obligations

1.1 Définition et objectifs

L’affichage environnemental d’un produit ou d’un service consiste, selon la définition du ministère de la transition écologique, à “fournir aux consommateurs des informations quantifiées sur ses principaux impacts environnementaux, calculés sur l’ensemble de leur cycle de vie”. 

Le déploiement de l’affichage environnemental doit permettre de répondre à 3 grands objectifs, comme l’a rappelé le gouvernement en mars 2023 : 

  • informer le consommateur sur l’empreinte environnementale des produits afin qu’il puisse faire un choix d’achat éclairé et orienté vers une meilleure performance environnementale.  
  • encourager l’écoconception chez les fabricants, c’est-à-dire encourager les marques à concevoir de manière plus responsable leurs produits.
  • réduire l’impact environnemental des secteurs concernés par l’affichage environnemental. 

L’affichage environnemental a été pensé comme un outil contre le greenwashing à la fois pour le consommateur qui va pouvoir comparer des produits similaires grâce à cette notation facile à comprendre et transparente et pour les entreprises qui vont pouvoir valoriser leur démarche d’écoconception et les bonnes performances environnementales de leurs produits. 

Il n’en reste pas moins que la construction de cet affichage environnemental s’accompagne de critiques et d’interrogations. Dans le textile notamment, les acteurs de la mode durable se sont beaucoup inquiétés de ne pas voir les impacts environnementaux de la fast fashion (quantités de pièces mises sur le marché, renouvellement incessant des collections…) bien pris en compte dans le calcul de l’affichage environnemental. Des critiques sur l’intégration de l’impact des pesticides ou des substances chimiques ont été aussi formulées, sur les impacts de l’agriculture intensive ou extensive ou encore sur les bénéfices de l’agriculture biologique qui seraient sous-estimés. 

Autrement dit, aboutir à une méthodologie simple, réplicable mais fiable et capable de répondre aux grands enjeux environnementaux des secteurs concernés s’apparente à un casse-tête. La construction du calcul est à la fois complexe techniquement et sensible politiquement. C’est d’ailleurs pour cela que la méthodologie n’est toujours pas connue publiquement et que son déploiement prend du retard. 

1.2 Qui est concerné et quand ? 

La loi Climat et résilience d’août 2021 rend obligatoire la mise en place de l’affichage environnemental. 

4 secteurs sont concernés par le déploiement de l’affichage environnemental : le textile, l’alimentaire, les cosmétiques et l’ameublement. 

L’article 2 de la loi climat et résilience prévoyait une phase d’expérimentation pour une durée maximale de 5 ans, soit jusqu’en 2026. 

Néanmoins, pour les secteurs du textile et de l’alimentaire, plusieurs expérimentations ont déjà eu lieu entre 2020 et 2022. 

Pour ces deux secteurs, jugés prioritaires, le calendrier a été avancé. Le déploiement de l’affichage environnemental était prévu dès le 1er janvier 2024 dans une démarche volontaire encadrée (c'est-à-dire pour les entreprises volontaires mais avec une méthodologie commune). Avant une mise en œuvre obligatoire prévue initialement pour début 2025

La méthode commune de calcul du score devait être publiée fin 2023. Ce n’est toujours pas le cas. Il est donc probable que les délais fixés ne soient pas tenus. 

Pour les secteurs des cosmétiques et de l’ameublement, les travaux méthodologiques et la phase de concertation doivent commencer cette année. Avant une mise en œuvre obligatoire d’ici 2027.  

1.3 Format de l’affichage

Les discussions des derniers mois portaient également sur la forme qu’allait prendre cet affichage environnemental sur les produits ou en ligne. 

Plusieurs options ont été étudiées et testées : 

Mais il semblerait que l’option retenue soit celle d’un affichage avec ce que l’on appelle une échelle ouverte, c’est-à-dire avec un score en valeur absolue. 

affichage environnemental valeur absolue

C’est en tout cas ce qu’indiquait en juillet 2023 le secrétariat général à la planification écologique dans un document de travail (page 34). Ce format présente l’avantage, selon l’administration, de pouvoir se déployer à tous les secteurs, de faciliter l’articulation avec le cadre européen et de diminuer le risque d’effet rebond, c’est-à-dire de bien signaler au consommateur que tout produit a un impact, même ceux qui disposent d’un score environnemental meilleur que les autres. Ce risque d’effet rebond était associé au format d’un classement ABCDE, la bonne note environnementale pouvant encourager à une consommation excessive du bien concerné. 

Ce score en valeur absolue, c’était ce que demandait un certain nombre d’acteurs comme En mode climat (une coalition d’acteurs du monde de la mode engagés dans une réduction de l’impact environnemental du secteur) qui explique par exemple que ce score correspond mieux aux objectifs de sobriété dont le secteur textile a besoin.   

2. Comment calculer l’affichage environnemental ? 

Nous nous concentrons ici sur la méthode de calcul pour les secteurs du textile et de l’alimentaire, qui sont les plus avancés dans le déploiement de l’affichage environnemental. 

L’enjeu de ces derniers mois et désormais de ce début d’année 2024 est de trouver la bonne méthode de calcul. C’est-à-dire une méthode : 

  • Uniformisée, adaptée pour des entreprises de taille, de nature et de modèle économique très différents.
  • Prenant en compte les multiples impacts environnementaux de ces activités : gaz à effet de serre, biodiversité, épuisement des ressources, etc. 
  • Lisible pour les consommateurs et consommatrices — ce qui force à limiter le nombre d’indicateurs différents.

Pour les deux secteurs, l’outil retenu pour calculer cet éco-score est l’ACV, l’analyse de cycle de vie. Pour rappel, l’ACV est une méthode de quantification des impacts sur l’environnement d’un produit ou d’un service en prenant en compte toutes les étapes de son cycle de vie : de la production des matières premières jusqu’à la fin de vie en passant par la fabrication ou le transport. 

Plus précisément, la méthodologie des ACV est celle de la PEF, la Product Environmental Footprint, développée par la Commission européenne. La PEF comprend 16 indicateurs d’impacts environnementaux : 

Les 16 indicateurs PEF

Et au sein de ce cadre général PEF, il existe ensuite des règles sectorielles. C’est ce qu’on appelle les PEFCR : product environmental footprint category rules. Ce sont des règles spécifiques qui fournissent les indications afin de réaliser une évaluation PEF dans chaque secteur concerné. 

Pour le secteur textile, un PEF Apparel & Footwear est en cours de rédaction. Il doit être présenté fin 2024, début 2025. L’enjeu pour la France, c’est de présenter ainsi une méthodologie pour l’affichage environnemental textile qui se rapproche le plus possible du PEF A&F qui sera publié ensuite. 

Si l’on résume, l’outil utilisé pour le calcul de l’affichage environnemental est l’ACV, qui reposera sur la méthodologie européenne PEF et les PEFCR pour chaque secteur concerné. 

Seulement, certains enjeux environnementaux propres aux secteurs du textile et de l’alimentaire ne sont pas bien pris en compte dans les indicateurs PEF. Le calcul va donc intégrer ce que l’on appelle des compléments hors ACV. Voici pour les deux secteurs ce qui est prévu pour l’instant. 

2.1 La méthodologie pour le secteur textile 

11 expérimentations d’un affichage environnemental sur les vêtements ont été menées en 2022 suite à un appel à projets de l’Ademe, appelé Xtex

Compte tenu du bilan de ces expérimentations, la secrétaire d’Etat à l’écologie, Bérangère Couillard, a présenté le 21 mars 2023 les 8 enjeux environnementaux que le gouvernement souhaite intégrer dans le dispositif de l’affichage environnemental. 

Les 8 enjeux de l'affichage environemental textile

Attention, il s’agit bien d’enjeux environnementaux que le gouvernement souhaite voir être pris en compte dans le calcul de l’affichage environnemental. Mais ce ne sont pas des indicateurs d’impacts. Autrement dit, comment faire pour que la consommation d’eau se retrouve dans le calcul de l’affichage environnemental ? Comment faire pour que la durabilité physique soit intégrée ? Pareil pour les rejets de microplastiques, etc… 

Les 16 indicateurs PEF dans l'affichage textile
Source : Ademe

On l’a dit, le calcul de l’éco-score reposera sur l’ACV et les 16 indicateurs PEF. 

Néanmoins, ces 16 indicateurs ne permettent pas de prendre en compte correctement l’ensemble des impacts environnementaux souhaités par le gouvernement dans le cadre du déploiement de l’affichage dans le secteur textile. 

C’est le cas notamment pour l’utilisation de pesticides (sous estimation de l’impact de la toxicité des pesticides conventionnels selon l’Ademe) et de produits chimiques (très mal pris en compte dans les ACV), les rejets de microplastiques ou l’impact de la fast fashion. 

Des critères additionnels ont donc été pensés. C’est ce que l’on appelle les compléments hors ACV. Pour le textile, la plateforme Ecobalyse recense aujourd’hui 3 compléments hors ACV : 

  • un complément “Export hors Europe” : en l’état, les référentiels prévoient que les vêtements sont éliminés localement, réutilisés ou recyclés. Or, de nombreux vêtements sont exportés hors Europe et directement jetés sans être réutilisés, dans des pays qui souvent ne bénéficient pas de filière de gestion des déchets. Ce complément doit donc permettre de prendre en compte l’impact des vêtements qui se retrouvent sous forme de déchets dans d’autres pays que les pays européens. 
  • un complément microfibres : les microfibres, ce sont ces minuscules particules présentes sur les vêtements et qui sont relarguées dans la nature (eau, air, sol) tout au long du cycle de vie du vêtement. Actuellement, ce n’est pas pris en compte dans le PEFCR A&F. Ces microfibres, comme les microplastiques, peuvent être persistantes et toxiques pour les organismes vivants. 
  • enrichissement des inventaires d’ennoblissement : il s’agit ici de mieux prendre en compte les émissions des substances chimiques qui sont largement utilisées dans l’industrie du textile durant la phase de fabrication. On estime ainsi que le secteur utilise plus de 8 000 substances chimiques, dont la plupart ne sont pas caractérisées dans les ACV. 

A noter que la plateforme Ecobalyse est un simulateur lancé par l’Etat pour permettre aux entreprises et aux autres professionnels des secteurs textile et alimentaire d’avoir une première vision de l’impact environnemental de leurs produits. La méthodologie affichée sur Ecobalyse reflète l’état des discussions en cours mais elle n’est pas la méthodologie définitive et officielle. Rappelons que cette dernière n’est pas encore connue et n’a pas été publiée. 

Pour trouver plus d’informations sur la méthodologie, les indicateurs environnementaux et les compléments hors ACV, vous pouvez consulter la documentation fournie sur Ecobalyse

2.2 La méthodologie pour le secteur alimentaire

Pour le calcul de l’éco-score alimentaire, le principe est le même. La méthodologie de base est celle de l’ACV reposant sur les 16 indicateurs PEF, avec là encore des compléments hors ACV. 

En effet, certaines pratiques agricoles engendrent des externalités positives qui ne sont pas bien prises en compte dans les indicateurs PEF : agroécologie, maintien des haies ou des prairies, diversité des cultures ou encore les conditions d’élevage. 

3 compléments hors ACV sont envisagés et figurent sur le simulateur proposé par Ecobalyse : 

  • un indice de diversité des productions
  • la quantité d’infrastructures agroécologiques
  • les conditions d’élevages

Ces 3 compléments se présentent sous la forme de bonus hors ACV qui entrent dans le calcul afin de valoriser ces “bonnes pratiques”, favorables notamment à la biodiversité, à l’adaptation des structures agricoles au changement climatique et au bien être animal. 

méthodologie affichage environnemental alimentaire

Là encore, vous pouvez vous rendre sur la documentation d’Ecobalyse pour avoir le détail des calculs proposés à date pour l’alimentation

3. Préparer l’affichage environnemental dès maintenant

‍3.1 Pourquoi préparer l’affichage environnemental dès maintenant ?

L’ADEME recommande aux entreprises d’adopter dès maintenant la notation environnementale, quand bien même le dispositif n’est pas encore obligatoire. Pourquoi ? 

  • Pour permettre une adoption fluide de l’affichage lorsqu’il sera imposé dans les années à venir. 
  • Pour étaler dans le temps les investissements humains et financiers.
  • Pour bénéficier plus rapidement d’un avantage commercial sur la concurrence, si vos produits et services ont de bonnes performances carbone.
  • Pour profiter de coûts compétitifs sur les accompagnements et la mise en place du dispositif. En effet, les prix des bilans carbones et outils de calcul vont certainement flamber lorsque l’obligation européenne sera en place. Vous devrez intégrer l’évaluation environnementale à vos processus en urgence, augmentant également les investissements.

 

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3.2 Comment anticiper l’évolution de la réglementation ?

Plusieurs étapes sont nécessaires pour adopter l’affichage environnemental. Vous pouvez les anticiper dès maintenant. 

  1. Sensibiliser et former les parties prenantes et collaborateurs en interne. Engager des ressources de l’entreprise pour déployer l’affichage.
  2. Trouver un partenaire de confiance possédant l’expertise sur les processus de collecte des données, d’ACV et d’affichage carbone.
  3. Collecter les données spécifiques auprès des fournisseurs et acteurs de la chaîne de valeur. 
  4. Évaluer les performances environnementales des produits et services à l’aide de l’analyse de cycle de vie. Il est préférable de tester et adapter les process en amont. 
  5. Vous pouvez alors identifier les produits et services avec un fort impact environnemental et adopter une stratégie d’amélioration. Ainsi, vous prendrez de l’avance sur les entreprises concurrentes : en réduisant votre impact environnemental dès aujourd’hui, vous baissez votre note d'impact et gagnez un avantage compétitif fort. 

Besoin de concret ? Découvrez le témoignage d’une entreprise ayant adopté l’affichage.

4. Les financements

Le Diag Ecoconception

Vous l’avez compris, les entreprises qui souhaitent réduire l’impact environnemental de leurs produits et ainsi obtenir de meilleures notes dans le cadre de l’affichage environnemental doivent entamer des démarches d’écoconception. 

Ca tombe bien puisqu’il existe un dispositif d’aide pour initier cette démarche au sein des entreprises : le Diag Ecoconception. 

L’accompagnement dure entre 6 et 8 mois et comprend : 

- Une analyse du contexte, définition du périmètre et des enjeux

- Une sensibilisation à l’écoconception et la formation d’un référent écoconception

- La réalisation d’une évaluation environnementale basé sur l’Analyse de Cycle de Vie (ACV)

- L’identification des leviers d’écoconception

- La préparation à la mise en œuvre d’un plan d’action

Les PME de moins de 250 salariés et avec un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros ou un total de bilan inférieur à 43 millions d’euros sont éligibles. 

Après subvention, le prix est de : 

  • 5400€ HT pour les entreprises entre 1 à 49 salariés et moins de 10M€ de CA ou de total de bilan.
  • 7200 € HT pour les entreprises entre 50 à 249 salariés et moins de 50M€ de CA ou 43M€ de total de bilan.

Plusieurs de nos consultants font partie des consultants sélectionnés et habilités pour accompagner les entreprises dans le Diag Ecoconception et réaliser ainsi des ACV au sein de votre entreprise. 

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Chaque mois, un décryptage de l’actualité climat des entreprises et nos conseils pour vous décarboner, suivis par plus de 5000 responsables RSE.

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Baptiste Gaborit

Rédacteur Climat

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