Le bilan carbone, un outil essentiel pour la stratégie d'entreprise

Baptiste Gaborit

Rédacteur Climat

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Le changement climatique bouleverse nos vies. Il bouleverse aussi les modèles économiques et le quotidien des entreprises : les évènements climatiques extrêmes se multiplient et perturbent les chaînes d’approvisionnement, la plupart des acteurs économiques cherchent à se détourner du CO2, les consommateurs privilégient des produits responsables et la réglementation sur ces sujets se durcit d’année en année. 

Comment évoluer dans un monde où la contrainte carbone est de plus en plus forte ? Comment adapter son modèle d’affaires ? Quels risques et quelles opportunités ? A ces questions, beaucoup de réponses mais un préalable : la réalisation d’un bilan carbone. Parce qu’il permet d’évaluer sa dépendance au carbone, d’identifier les émissions de gaz à effet de serre (GES) puis ensuite de les réduire, le bilan carbone est aujourd’hui un outil de pilotage essentiel. 

Bilan carbone, Bilan Carbone®, stratégie climat, quelles différences ? 

Le bilan carbone est en réalité l’inventaire, la photographie de l’ensemble des émissions de GES, directes et indirectes, d’une entreprise. C’est le point de départ de toute stratégie climatique. 

Et c’est là qu’intervient le bilan carbone puisque c’est en fait le nom d’une méthode utilisée pour calculer cette empreinte carbone. Le Bilan Carbone® est officiellement lancé en 2004. Objectif : créer un outil universel de mesure de l’empreinte carbone d’une organisation. La méthodologie se déploie vite et devient l’outil de référence. C’est ainsi que le Bilan Carbone® entre dans le langage courant. 

Mais d’autres méthodologies de mesure de l’empreinte carbone existent, notamment le GHG Protocol. On parle aussi de BEGES, le bilan d’émissions de gaz à effet de serre, pour le bilan obligatoire des entreprises de plus de 500 salariés et des collectivités de plus de 

50 000 habitants.

Les 4 grandes raisons de faire son bilan carbone

Un enjeu éthique

Diviser par 2 les émissions mondiales de CO2 d’ici 2030. Voilà l’objectif rappelé dans le dernier rapport du GIEC afin de limiter la hausse des températures à 1,5 degrés à la fin du siècle. Les impacts du réchauffement climatique s’accélèrent, on le voit chaque année mais les émissions, elles, ne baissent pas assez vite. Au rythme actuel, les 1,5 degrés seront franchis lors de la prochaine décennie, les 2 degrés autour de 2050 pour atteindre 3 degrés en 2100, entraînant des impacts dévastateurs, généralisés, parfois irréversibles. 

Mais ce scénario du pire est encore évitable. Les solutions existent, elles sont nombreuses. Et les entreprises ont un rôle clé à jouer.  

Ce rôle, c’est de faire sa part face au changement climatique. C’est de réussir à réduire ses émissions de gaz à effet de serre grâce à des plans d’action ambitieux. L’initiative Science Based Targets (SBTi) indique ainsi une trajectoire de baisse des émissions de GES de 4,2% par an pour les entreprises afin de respecter l’objectif de l’Accord de Paris, à savoir limiter la hausse des températures à 1,5 degrés. 

Quelles sont les activités les plus émettrices ? Quel produit, quelle matière première, quel sous-traitant émet le plus ? Sans bilan carbone complet (scope 1,2 et 3), ces questions restent sans réponse. Il est alors très compliqué d’élaborer une stratégie de réduction des émissions de GES. Le bilan carbone, c’est l’outil de pilotage qui va permettre d’orienter les ressources financières et humaines de l’entreprise vers les actions de réduction les plus efficaces. On ne réduit que ce l’on connaît. 

Un enjeu fort de compétitivité 

Les risques sur la performance économique

Dans un monde où le CO2 n’est plus le bienvenue, ne pas l’intégrer dans sa stratégie fait émerger une menace pour les performances économiques de l’entreprise. “Faire un bilan carbone, c’est un premier pas pour piloter et gérer les risques liés au climat auxquels une entreprise est exposée”, explique Guillaume Colin, Head of Climate Expertise chez Sami. Et ils sont nombreux.

  • Risques liés aux parties prenantes

C’est le cas notamment des clients de l’entreprise, consommateurs ou partenaires économiques. De plus en plus de consommateurs sont attentifs à l’empreinte carbone et environnementale des produits qu’ils achètent. Dans cette étude sur la consommation responsable publiée en 2021 par l’ObSoCo, l’Observatoire Société et Consommation, 61% des Français jugeaient la situation environnementale très préoccupante, au point d’appeler à des changements radicaux afin de produire et consommer moins mais mieux. 

Par ailleurs, un nombre croissant d’entreprises demandent à leurs fournisseurs de produire a minima le bilan carbone de leur activité. L’empreinte carbone devient un critère dans de plus en plus d’appels d’offres, publics ou privés. Citons la SNCF qui intègre depuis cette année pour ses 55 plus gros fournisseurs un prix de la tonne carbone dans ses appels d’offres afin de monétiser leurs émissions de GES. 

61% des directions achats des grandes entreprises (plus de 5000 salariés) avaient ainsi des objectifs liés au développement durable ou à la RSE en 2022.

  • Risques de financement 

Les fonds d’investissement sont de plus en plus nombreux à exiger des entreprises de leur portefeuille a minima le calcul de leur empreinte carbone, pour d’autres la mise en place d’une stratégie de baisse des émissions. C’est le cas de notre client, Founders Future mais aussi par exemple de Meaning Capital Partners ou de Serena Capital. 

De nombreux autres acteurs financiers excluent désormais les entreprises qui évoluent dans des secteurs très carbonés. C’est ce que vient d’annoncer la Banque de France qui exclura de ses portefeuilles d’ici 2024 toute entreprise qui développe de nouveaux projets d’extraction d’énergies fossiles. 

  • Risques de marché
“Les prix sur le carbone sont croissants, détaille ainsi Guillaume Colin. Si une entreprise veut connaître son exposition à ce risque financier du carbone, là aussi le point de départ, c’est de connaître ses émissions. Si elle ne sait pas dans quelle mesure sa chaîne de valeur est carbonée, elle risque de payer beaucoup plus cher ses matières premières ou d’être moins compétitive en aval parce que ces taxes carbone vont grever les marges.” 

Viennent s’ajouter des risques technologiques avec de nombreuses innovations bas carbone qui voient le jour. Avec là encore le risque d’être en retard et de perdre des parts de marché. 

  • Risques physiques

49% des PDG interrogés dans cette étude d'Accenture et du UN Global Compact reconnaissent que leurs entreprises subissent déjà les impacts d’évènements météorologiques extrêmes, notamment par des interruptions sur leur chaîne d’approvisionnement. Les exemples dans le monde se multiplient. 

  • Les inondations en Thaïlande en 2011 ont mis à l’arrêt de nombreuses usines de constructeurs automobiles internationaux, la fabrication de disques durs ou de puces électroniques a été interrompue. 
  • En 2018, le géant de la chimie BASF a dû stopper l’activité de l’une de ses usines en Allemagne qui ne recevait plus assez de matières premières, le trafic fluvial sur le Rhin étant ralenti par le très faible niveau du fleuve. 
  • Dernier exemple, en 2021, Taïwan connaît sa pire sécheresse depuis 56 ans, conduisant le gouvernement à restreindre l’accès à l’eau pour de nombreux industriels dont TSMC, le plus gros fabricant de semi-conducteurs mondial. Il a dû baisser sa consommation d’eau de 10%. En mars dernier, nouvelle vague de sécheresse, TSMC a de nouveau activé son plan de crise afin de limiter l’impact des restrictions d’eau sur la production.  

Ces différents risques, les entreprises peuvent les matérialiser financièrement à partir de leur bilan carbone. “Une entreprise peut créer grâce au bilan carbone des modèles afin d’estimer financièrement combien elle risque de perdre si les sociétés s’alignent avec des trajectoires compatibles avec l’objectif 1,5 degré”, analyse Guillaume Colin.  

Les opportunités

Pour les mêmes raisons que ne pas s’engager dans une démarche de transition expose l’entreprise à de nombreux risques, le faire offre des perspectives de bénéfices économiques : gagner des parts de marché; accès au financement; avantage concurrentiel dans les appels d’offre; etc… Cela permet aussi de pouvoir bénéficier de labels ou de certifications RSE, comme Ecovadis ou B-Corp.  

Par ailleurs, en identifiant les principaux postes d’émissions de l’entreprise, cette dernière est en capacité d’agir rapidement sur la maîtrise des coûts associés, avec à la clé dans certains cas des économies rapides. C’est le cas notamment au sujet de la consommation énergétique. L’ADEME indique par exemple que l’éclairage représente 20% des consommations d’électricité d’un bâtiment et qu’il est possible de les réduire de 40 à 66%.

 

Au-delà de la maîtrise des consommations énergétiques, la démarche plus globale d’éco-conception des produits entraîne de meilleures performances économiques pour une entreprise. C’est le résultat d’une étude là encore de l’ADEME publiée l’an dernier. L’agence de la transition écologique constate une hausse systématique du chiffre d’affaires des entreprises concernées grâce à de nouveaux marchés et un volume de ventes plus important. Le bénéfice réputationnel est aussi élevé. 

Avantage concurrentiel, maîtrise des coûts, pilotage du risque. Dans une étude publiée en 2022, le cabinet Ernst and Young a interrogé plus de 500 dirigeants d’entreprises. 69% d’entre eux déclarent qu’ils tirent une valeur financière plus élevée que prévu de leurs initiatives climatiques. De la valeur financière mais pas que. Ils observent aussi de la création de “customer value”, sur les clients, l’image de marque, et de “employee value” sur la satisfaction des collaborateurs et le recrutement.    

Marque employeur et risque juridique

Là encore, la perspective de s’engager dans un bilan carbone et plus largement une stratégie de baisse des émissions de gaz à effet de serre peut s’analyser sous l’opposition Risque/Opportunités. C’est le cas notamment pour l’image auprès de ses collaborateurs, actuels ou futurs. 

Selon cette étude publiée par l’Unedic en avril dernier, 84% des actifs français veulent en effet un travail en adéquation avec le défi climatique et ¼ des actifs envisagent de changer de métier ou d’entreprise pour mettre leur vie professionnelle en adéquation avec leurs préoccupations écologiques. De plus en plus de diplômés de grandes écoles refusent ainsi de travailler pour des entreprises dont l’action est jugée néfastes pour le climat. On l’a vu récemment à HEC ou à AgroparisTech. 

Le risque est aussi juridique. Les actions en justice contre des entreprises accusées de ne pas mettre en place de stratégie de baisse des émissions réaliste se multiplient. BNP Paribas vient ainsi d’être assignée en justice par trois ONG et Total est attaqué de toutes parts pour son rôle dans la crise climatique. A ce sujet, le texte européen sur le devoir de vigilance prévoit la mise en œuvre obligatoire de plans de transition pour les entreprises. Ces dernières seraient responsables civilement si ce n’est pas fait. 

Réglementaire

Les lois françaises et européennes deviennent de plus en plus contraignantes à ce sujet. Ainsi en France, un bilan d’émissions de gaz à effet de serre est obligatoire tous les 4 ans pour les entreprises de plus de 500 salariés. Mais cette loi est encore peu appliquée.  

Reste qu’un nombre croissant d’entreprises vont être soumises à la réalisation obligatoire d’un bilan carbone. La directive européenne sur la CSRD notamment intègre les enjeux climatiques dans le reporting extra-financier de toutes les entreprises de plus de 250 collaborateurs.

Enfin, la loi Climat et résilience votée en 2021 prévoit un affichage environnemental sur certains produits. Une phase d’expérimentation commencera en début d’année prochaine et concernera les produits textile et de l’alimentation. Les entreprises devront alors faire figurer sur leur produit une note environnementale, comprenant les émissions de GES, les atteintes à la biodiversité et la consommation d’eau et d’autres ressources naturelles.

Des obstacles et nos réponses

“C’est un coût important”

C’est vrai, réaliser le calcul de son empreinte carbone et mettre en place une stratégie représente un coût. Mais pour toutes les raisons indiquées précédemment, ce coût est un investissement. 

Il existe par ailleurs un dispositif de financement public pour la réalisation d’un bilan carbone: c’est le Diag Décarbon’Action. Il prévoit : 

  • 4 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés 
  • 6 000 euros entre 250 et 499 salariés

Seules les entreprises qui n’ont jamais réalisé de mesure de leur empreinte carbone sont éligibles. 

“Nous n’avons pas le temps” 

Les ressources financières et humaines sont précieuses et comptées. C’est d’ailleurs pour cela que réaliser un bilan carbone est capital : il permet d’allouer efficacement les ressources sur les secteurs les plus émissifs de l’entreprise. Mais avant cela, la réalisation d’un bilan carbone prend effectivement du temps. La solution développée par Sami propose justement un accompagnement et une plateforme imaginés pour faciliter et accélérer la mesure de l’empreinte carbone et la co-construction du plan d’action.  

Les entreprises industrielles, du secteur des hydrocarbures ou des transports ne sont pas les seules à émettre des gaz à effet de serre ! Toute activité économique engendre des émissions, dans le secteur du numérique, les achats, les déplacements. Et face à la crise climatique et à l’urgence de réduire les émissions, chaque tonne de CO2 évitée compte. 

Les impacts directs du changement climatique et la transition bas-carbone font peser de nombreux risques sur le modèle économique des entreprises. Mais cette transition représente par ailleurs des opportunités. Pour les entreprises, s’engager dans un bilan carbone puis une démarche de baisse de ses émissions de GES constitue un avantage compétitif, à court-terme pour certaines, à moyen ou long-terme pour toutes les autres.

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