La Science-Based Targets initiative (SBTi) : définition et application

Guillaume Colin

Head of Climate Expertise @Sami

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L’initiative Science-Based Targets (SBTi) a été créée en 2015 via un partenariat entre le CDP, le Pacte mondial des Nations Unies, le World Resources Institute (WRI) et le Fonds mondial pour la nature (WWF), et de manière concomitante à la signature des Accords de Paris. Elle encourage les entreprises à fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre basés sur des données scientifiques, afin de lutter contre le changement climatique de manière efficace.

La philosophie sous-jacente à SBTi est proche de celle des Accords de Paris sur le climat : de même que les Etats se sont engagés de manière volontaire et différenciée à réduire leurs émissions et s’orienter vers la neutralité carbone, les entreprises peuvent au travers de l'initiative SBT s’engager de manière volontaire à réduire leurs émissions à un rythme censé être compatible avec les Accords de Paris. 

Son ambition est de permettre aux entreprises de se fixer des objectifs de décarbonation dits “alignés avec la science” et compatibles avec une limitation du réchauffement climatique, idéalement à +1,5°C par rapport à l’ère pré-industrielle : ces objectifs doivent être en ligne avec ce que la science estime nécessaire pour limiter l'augmentation de la température mondiale à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. 

Autrement dit, une fois qu’une entreprise a mesuré ses émissions de gaz à effet de serre, elle peut trouver dans la boîte à outils de la SBTi les niveaux de réduction d’émissions à atteindre pour être en phase avec les objectifs globaux de décarbonation.

La SBTi est progressivement devenue une référence à la fois au niveau français et international comme outil d’aide à la fixation d’objectifs de décarbonation des entreprises, de toute taille et de tout secteur.

Ainsi, le nombre d’entreprises engagées croît à grande vitesse : on dénombre plus de 4600 entreprises engagées, dont plus de 2300 avec des objectifs déjà validés !

L’ambition portée par la SBTi a été croissante dans le temps, au gré de la réduction des budgets carbone globaux : s’il était initialement possible pour les entreprises de se fixer des objectifs compatibles avec un réchauffement à 2°C, ça n’est maintenant plus envisageable.

L’ambition minimum pour les objectifs à court-terme correspond à une limitation du réchauffement bien en-dessous de 2°C (well-below 2°C), et les entreprises sont invitées à se fixer des objectifs 1.5°C et s’engager à long-terme sur des trajectoires Net-Zero.

Comment mettre en place des objectifs basés sur la science ?

Pour mettre en place des objectifs basés sur la science, les entreprises doivent suivre une série d'étapes.

Tout d'abord, elles doivent évaluer le bilan carbone de l’année qui servira de référence aux objectifs qu’elle va se fixer.

Ensuite, elles doivent définir des objectifs de réduction des émissions qui sont en ligne avec les meilleures pratiques scientifiques et qui contribuent à maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C.

C’est à ce niveau que l’initiative SBT se positionne, en fournissant un référentiel méthodologique de fixation d’objectifs aux entreprises.

La SBTi distingue des objectifs dits de court-terme (horizon 5 à 10 ans) des objectifs de long-terme (horizon 2050).

La nature des objectifs qu’une entreprise peut se fixer dépend des horizons de temps considérés.

L’initiative SBT offre la possibilité aux entreprises de combiner différents types d’objectifs et niveaux d’ambitions, en fonction du scope d’émissions considéré.

Ces possibilités méthodologiques sont synthétisées dans le schéma ci-dessous.

En termes de types d’objectifs, on peut donc distinguer : 

  • des objectifs de réduction en valeur absolu (tCO2eq) des émissions : la réduction linéaire annuelle doit être a minima de 4,2% pour un objectif 1.5°C ou de 2,5% pour un objectif well-below 2°C. Il s’agit d’objectifs de contraction en absolu, autrement dit les pourcentages de baisse sont identiques pour toutes les entreprises.

Sur les scopes 1 et 2, les objectifs doivent être alignés avec une trajectoire 1.5°C, ce qui se traduit par :

- Si  l’année de référence (AR) est 2020 ou antérieure : une baisse d’au moins 4.2% par an

- Si l’AR est postérieure à 2020 : une baisse d’au moins 42% d’ici 2030 +/- 4.2%/an

Prenons quelques exemples :

- AR = 2020 et année cible (AC) 2025 : la baisse doit alors être de 4.2%/an soit 21% d’ici 2025

- AR = 2022 et AC = 2027 : la baisse doit alors être de 42+(2027-2030)*4.2 = 29.4 % d’ici 2027 soit 5.9%/an

- AR = 2022 et AC = 2032 : la baisse doit alors être de 42+(2032-2030)*4.2 = 50.4 % d’ici 2032 soit 5%/an

Sur le scope 3, les objectifs doivent être alignés a minima avec une trajectoire well-below 2°C, ce qui se traduit par :

- Si l’AR est 2020 ou antérieure : une baisse d’au moins 2.5% par an

- Si l’AR est postérieure à 2020 : une baisse d’au moins 25% d’ici 2030 +/- 2.5%/an

  • des objectifs de réduction en intensité carbone (tCO2eq/unité) physique : il peut s’agir d’objectifs de contraction ou de convergence sectorielle de l’intensité carbone d’un produit (par exemple, l’intensité carbone d’une tonne d’acier, d’un kWh d’électricité, etc.). 

  • des objectifs de réduction en intensité carbone (tCO2eq/€ de valeur ajoutée) économique : il doit s'agir d’une réduction annuelle a minima de 7% par an. Il s’agit d’un objectif de contraction de l’intensité économique, autrement dit le pourcentage de baisse est identique pour toutes les entreprises.

  • d’objectifs d’approvisionnement en énergie renouvelable (pour le scope 2), avec une cible d’a minima 80% à horizon 2025, et 100% à horizon 2030.

  • et enfin, d’objectifs d’engagement fournisseur ou client : il s’agit ici de déterminer un pourcentage minimum de fournisseurs qui se seront eux-mêmes engagés SBT à un horizon de temps donné.

Une certaine flexibilité est ainsi accordée aux entreprises, en particulier en termes d’objectifs de décarbonation du scope 3 : la SBTi a en effet pris acte des difficultés de décarbonation de la chaîne de valeur des entreprises, et tolère donc qu’une partie des émissions (inférieure à un tiers du total du scope 3) ne soit pas soumise à des objectifs de réduction.

De même, les méthodologies dites d’engagement fournisseur ou de réduction en intensité physique ou économique visent à permettre aux entreprises de s’engager sans se contraindre à des réductions en valeur absolue, et à mobiliser l’ensemble des parties prenantes dans la réduction des émissions.

Ces différents types d’objectifs peuvent être combinés sur les catégories et postes d’émissions, tant que 95% des scopes 1 et 2 et plus de ⅔ des émissions du scope 3 sont couverts par des objectifs valides du point de vue SBT.

Ainsi et à titre d’exemple, considérons une entreprise dont 60% des émissions du scope 3 proviennent des intrants, 20% du fret, et 20% des autres postes d’émissions (déplacements immobilisation, etc.).

Cette entreprise peut s’engager à ce que 50% de ses transporteurs soient engagés SBT à horizon 2030 et à une baisse de l’intensité économique de ses intrants de -52% d’ici 2030 par rapport à l’année de référence 2022 (équivalente à une contraction annuelle de 7%).

De tels objectifs permettent de couvrir plus de ⅔ du scope 3, et répondent donc aux critères attendus par la SBTi.

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Quels sont les avantages et les risques de s’engager SBT?

Les entreprises qui participent à l'initiative SBT bénéficient de plusieurs avantages.

Tout d'abord, elles peuvent améliorer leur réputation et leur image de marque en montrant leur engagement envers la durabilité environnementale : avoir des objectifs de réduction d’émissions validés par l’initiative SBT est une preuve très forte auprès de l’ensemble des parties prenantes du sérieux et de l’ambition de la stratégie bas-carbone d’une entreprise.

Les bénéfices financiers (directs et indirects) liés à la réduction des émissions sont nombreux : réduction des coûts opérationnels et liés à la consommation d’énergie, stimulation de l’innovation, meilleure résilience et maîtrise des risques liés au climat, et enfin opportunité de se différencier de la concurrence en démontrant un engagement en faveur de la durabilité.

Il convient de noter que l’initiative SBT porte uniquement sur la définition d’objectifs.

En particulier, il n’est pas attendu (du point de vue de la SBTi) que les entreprises se fixant des objectifs SBT publient un plan d’action ou une stratégie climat montrant de quelle manière elles comptent s’y prendre pour atteindre ces objectifs.

Néanmoins, il est fortement recommandé d’engager parallèlement à l’étape de fixation des objectifs une réflexion stratégique sur la faisabilité et les conditions d’atteinte des objectifs (actions de réduction nécessaires, évolutions du business model à mettre en œuvre, fournisseurs à engager, étapes d’écoconception des produits à réaliser, etc.).

Des ressources et des guides sont d’ailleurs fournis par l’initiative SBT pour aider les entreprises à s'engager dans le processus et à élaborer des plans d'action efficaces.

La seule obligation pour une entreprise (au-delà du respect des critères dans la définition des objectifs) est de publier annuellement ses émissions. Les entreprises doivent ainsi mettre en place des systèmes de suivi et de rapport pour mesurer leur progrès et s'assurer qu'elles sont sur la bonne voie pour atteindre leurs objectifs.

Comme l’initiative SBT est un cadre volontaire d’engagement des entreprises, il n’y a donc pas de sanction ou de risque financier direct en cas de non-atteinte des objectifs fixés de décarbonation.

Tout au plus les entreprises seront alors invitées en cas de dérive des émissions réelles (en comparaison avec les objectifs fixés) à mettre en place de nouveaux objectifs.

Il peut en revanche y avoir un risque de réputation en cas de non-respect des objectifs fixés, lié au fait de devoir assumer publiquement que les objectifs de décarbonation n’ont pas été atteints.

C’est pour cela que les réflexions stratégiques amont portant sur la définition d’un plan d’actions à la hauteur des objectifs fixés sont primordiales.

Comment ça fonctionne en pratique?

Les entreprises souhaitant se fixer des objectifs validés par la SBTi doivent suivre un parcours en quatre étapes :

  • D’abord s’engager formellement via l’envoi d’une lettre d’intention à la SBTi
  • Une fois son bilan carbone réalisé, choisir l’année de référence et développer des cibles et objectifs respectant les critères attendus par la SBTi
  • Soumettre auprès de l’initiative SBT ses objectifs pour validation officielle
  • Communiquer publiquement auprès des parties prenantes de l’entreprise l’engagement pris.

Il est important de noter que la SBTi ne s'adresse pas uniquement aux grandes entreprises.

Les petites et moyennes entreprises (entreprises de taille inférieure à 500 employés) peuvent également participer, via un processus largement simplifié : il suffit pour ces dernières de compléter un formulaire d’engagement.

Il est ainsi possible de suivre les entreprises engagées sur le site internet de SBTi, et de voir le type d’engagement de décarbonation, parmi l’éventail des objectifs de décarbonation possibles qui sont proposés.

Si l’entreprise souhaite communiquer publiquement sur le fait que les cibles ont été validées par la SBT, alors elle doit soumettre formellement à la SBTi ses objectifs pour validation officielle.

Mais une entreprise souhaitant simplement se fixer des objectifs de décarbonation (sans validation officielle de la SBTi) peut tout à fait se baser sur le référentiel SBTi.

Conclusion

Se fixer des objectifs de décarbonation est un point de passage obligé de toute stratégie climat d’entreprise.

La SBTi est ainsi une initiative bienvenue, qui offre un référentiel partagé et reconnu à destination des entreprises volontaires désireuses de contribuer de manière sincère et rigoureuse à la décarbonation de nos sociétés.

Elle s’est ainsi imposée au fil des années comme un cadre méthodologique de référence à l’international, comme en témoigne le nombre croissant d’entreprises s’engageant et soumettant de tels objectifs.

De nombreux autres cadres méthodologiques tels que la Net Zero Initiative (NZI) portée par Carbone 4 ou la méthodologie ACT portée par le CDP et l’ADEME se reposent d’ailleurs très largement sur la SBTi pour structurer l’étape de définition d’objectifs de réduction.

La SBTi offre une certaine flexibilité aux entreprises en termes de possibilités de fixations d’objectifs : toutes les entreprises ne sont ainsi pas obligées de se fixer à court terme des objectifs de réduction en absolu, mais peuvent combiner des objectifs de réduction en intensité économique ou physique, en pourcentage de fournisseurs eux-mêmes engagés SBT, en approvisionnement en ENR, etc.

Cette flexibilité a l’avantage de faciliter l’atteignabilité des objectifs fixés, et d’ainsi motiver davantage d’entreprises à se fixer des objectifs de décarbonation.

Il y a néanmoins plusieurs inconvénients induits par cette permissivité et simplicité méthodologique :

  • si l’on consolide l’ensemble des objectifs SBT fixés par les entreprises et si l’on suppose que ceux-ci soient atteints, il n’est pas certain que les budgets carbone globaux soient respectés, autrement dit que le réchauffement climatique soit limité au niveau souhaité (bien inférieur à 2°C)
  • les objectifs de décarbonation proposés par la SBTi ne s’adaptent pas suffisamment aux spécificités de chaque entreprise, et en particulier ils sont inadaptés aux entreprises contribuant à la décarbonation de nos sociétés et amenés à croître dans le cadre de la transition écologique.

Reste que la SBTi s’est pour le moment imposée comme le cadre de référence, et qu'un maximum d’entreprises est invité à se fixer des objectifs ambitieux de décarbonation, et ainsi contribuer à la lutte contre le changement climatique.

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