L’empreinte carbone, c’est la photographie à un moment donné de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’une organisation.
Et c’est pour pouvoir mesurer cette empreinte carbone qu’ont été développées plusieurs méthodologies. En France, la plus connue est celle du Bilan Carbone® - d’où le nom de bilan carbone dans le langage courant pour désigner la mesure de l’empreinte carbone d’une organisation - mais il existe aussi le Bilan de gaz à effet de serre (BEGES) réglementaire, le GHG Protocol ou la norme ISO 14069.
Toutes ces méthodologies s’appuient sur l’utilisation de modèles pour faire le lien entre les données d’activités de l’entreprise et les émissions de GES. Ce sont des standards de calculs qui ont été développés afin de mesurer l’empreinte carbone.
Il s’agit donc d’une estimation des émissions associées aux activités de l’entreprise. Et qui dit estimation dit inévitablement incertitude.
D’où vient l’incertitude dans le calcul de l’empreinte carbone d’une entreprise ? Comment est-elle mesurée ? Comment est-elle intégrée à notre plateforme Sami ? Et comment interpréter les résultats d’incertitude ? On vous explique tout dans cet article.
1. L'incertitude dans la mesure des émissions carbone
1.1 Qu’est-ce que l’incertitude ?
L’incertitude de l’empreinte carbone désigne la marge d’erreur ou d’imprécision de l’estimation de la mesure de l’empreinte carbone par rapport à la valeur réelle.
En général, l’incertitude est donnée sous forme de valeur unique (par exemple 15%) ou d’intervalle (-10% à +15%), pour un niveau de confiance donné, souvent 95%. Autrement dit, la probabilité de trouver la valeur réelle dans l’intervalle donné est de 95%.
- Plus l’incertitude est faible, plus cet intervalle est petit
- Plus l’incertitude est forte, plus l’intervalle est étendu
1.2 Les sources d’incertitude lors du calcul d’une empreinte carbone
L’empreinte carbone d’une entreprise est obtenue en agrégeant toutes les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre induites par l’activité de cette entreprise.
Et ces émissions sont calculées grâce aux données d’activités de l’entreprise connues et collectées (surface, consommation électrique, etc.) auxquelles on associe un facteur d’émission afin d’estimer les émissions induites par cette donnée d’activité.
L’incertitude de chaque poste d’émissions intervient donc à la fois au niveau de la donnée d’activité (une consommation électrique provenant d’une facture sera par exemple plus précise que si elle est estimée à partir de la surface) et au niveau du facteur d’émission associé (les émissions induites par la combustion d’un litre d’essence sont assez fiables tandis que celles induites par la production d’un produit manufacturé complexe dépendront d’un certain nombre d’hypothèses).
Pour chaque donnée d’activité et chaque facteur d’émission, les sources d'incertitude sont multiples :
- Manque d'exhaustivité : les mesures ou autres données ne sont pas disponibles, soit parce que le processus n'est pas encore reconnu, soit parce qu'une méthode de mesure n'existe pas encore, ou simplement parce que les données n'ont pu être collectées.
- Manque de fiabilité : les données ne sont pas mesurées (certaines hypothèses sont prises pour les estimer) ou ne sont pas vérifiées (induisant des erreurs de mesures, de reporting, de transmission).
- Manque de représentativité temporelle : les données ou le calcul des émissions associées sont datés et peuvent introduire un biais.
- Manque de représentativité géographique : il existe des données ou des facteurs d'émissions mais ils ne sont pas spécifiques à la zone d'étude.
- Manque de représentativité technologique : les émissions liées à un procédé spécifique ne peuvent pas être mesurées et ce dernier est modélisé par un autre procédé, plus ou moins similaire.
Voilà dans le détail comment est traitée l’incertitude pour les deux sources, la donnée d’activité et le facteur d’émission.
1.2.1 L’incertitude autour des données d’activité
Afin de faciliter le traitement des bilans, des valeurs d’incertitude par défaut ont été définies pour toutes les données d’activité collectées via les collecteurs Sami.
Les données d’activité sont souvent une combinaison de différentes entrées de l’utilisateur ainsi que de facteurs de conversion. Une incertitude par défaut a été affectée à chaque entrée et chaque facteur de conversion. On peut regrouper ces entrées en 4 grandes catégories :
- 0% d’incertitude :
- Paramètres fixes ou contractuels connus : durée d’amortissement, temps de travail salarié, nombre de mois d’occupation d’un local, etc.
- Données traquées exhaustives : les données provenant du FEC par exemple.
- Données affectant uniquement la catégorisation des émissions : part d’utilisation d’un véhicule pour chaque usage, part de déplacements sur chaque site, etc.
- Entre 5% (donnée mesurée, complète, à jour, etc.) et 30% (légère extrapolation, estimation, adaptation) d’incertitude :
- Données consolidées par l’entreprise : nombre d’équipements, poids unitaire, litres d’essence de la flotte de fonction, facture d’électricité, etc.
- Données déclaratives fiables : distance domicile-travail, nombre de publications, part de télétravail, etc.
- 30-50% d’incertitude :
- Données déclaratives moyennement fiables : poids des véhicules, type de régime des repas du midi, etc.
- Hypothèses moyennes : temps de consultation du site, surface de parking à partir du nombre de places, etc.
- >60% d’incertitude :
- Hypothèses fortes / forte variabilité des données : appareil reconditionné, consommation annuelle d’une climatisation, consommation à partir du degré d’isolation, etc.
- Données déclaratives peu fiables
1.2.2 Incertitude sur les FE
Les facteurs d’émissions que nous utilisons sont issus de plusieurs bases de données.
Malheureusement, mis à part la base Empreinte® de l’Ademe, la plupart de ces bases ne communiquent pas l’incertitude associée aux facteurs d’émission.
Pour l’intégration de la mesure d’incertitude sur la plateforme Sami, nous distinguons trois sources de FE :
FE issus de la base Empreinte® possédant une incertitude
Nous avons repris l’incertitude qui y était associée à quelques différences près. Certaines incertitudes ont été légèrement gonflées du fait de leur ancienneté (manque de représentativité temporelle) : c’est notamment le cas de tous les ratios monétaires et des FE de l’électricité dont la méthodologie utilisée (moyenne sur 4 ans) introduit une incertitude importante par rapport à l’année de reporting.
FE intervenants dans les collecteurs Sami
Ces facteurs d’émission (environ 1000) sont utilisés pour une grande partie des bilans réalisés sur la plateforme. Les incertitudes de ces FE ont été déterminées le plus justement possible :
- à partir d’indicateurs sur la qualité de la donnée si disponible
- en observant la variabilité de FE similaires dans d’autres bases de données ou articles ou en parcourant l’analyse de sensibilité de l’étude dont le FE est extrait
- en s’inspirant des incertitudes de la base Empreinte® pour des catégories de produits/services similaires dans d’autres bases
- en dernier recours en se basant sur des avis experts internes à partir des connaissances sur le secteur d’activité
Autres FE
Pour les autres facteurs d’émission présents sur notre base consolidée, des incertitudes sont ajoutées progressivement.
- à partir de la catégorie d’émission en s’inspirant de la Pedigree Matrix
- à partir de la spécificité du FE (par exemple déclaration individuelle, collective, par défaut sur INIES)
2. Comment mesurer l’incertitude ?
L’incertitude est le plus généralement décrite par une loi de distribution normale ou log-normale.
Nous avons décidé d’implémenter dans l’application une loi normale qui est plus intuitive et plus simple à prendre en main et à manipuler. De plus, la base Empreinte®, une des seules bases à préciser l’incertitude de ses facteurs d’émission, les fournit sous forme de loi normale.
2.1 Formules d’agrégation de l’incertitude
Dans l’application Sami, l’incertitude d’une ligne d’émission est calculée grâce aux incertitudes sur la donnée d’activité et le FE. Pour obtenir l’incertitude totale du bilan, il faut ensuite agréger les incertitudes de toutes les lignes d’émissions.
L’incertitude sur une donnée résultant d’une somme ou d’un produit se calcule grâce à deux formules mathématiques :
- Pour chaque ligne d’émission, on multiplie la donnée d’activité par le facteur d’émission associé. L’incertitude d’une ligne d’émission est donc donnée par la formule suivante :
- Pour le bilan final, on somme les émissions de chaque ligne. L’incertitude globale du bilan est obtenue avec la formule suivante :
2.2 Mise en pratique : un exemple de calcul d’incertitude sur des lignes d’émission
Prenons par exemple ce groupe de quatre lignes d’émissions :
Ainsi, l’incertitude de la première ligne d’émission (produit de la donnée d’activité et du FE) est donnée par la formule suivante :
Il en va de même pour calculer l’incertitude des autres lignes d’émissions. Puis, l’incertitude agrégée de ces 4 lignes d’émissions (somme des 4 émissions) est donnée par la formule suivante :
3. L’intégration du calcul de l’incertitude dans la plateforme Sami
3.1 Incertitudes intermédiaires sur différents points de collecte
Dans les collecteurs formulaires Sami, les incertitudes sur le facteur d’émission et sur la donnée d’activité sont automatiquement appliquées selon les règles précédemment expliquées. Le détail des incertitudes appliquées est disponible dans chaque collecteur et est modifiable dans la consolidation.
3.2 Incertitude globale du bilan dans l’application
Nous calculons l’incertitude globale du bilan seulement si toutes les émissions significatives sont couvertes par une incertitude, mais nous n’imposons pas de couverture totale. En effet, l’incertitude globale du bilan sera très fortement dépendante des postes d’émissions les plus représentatifs du bilan et à l’inverse, très peu dépendante des faibles postes d’émission. On peut ainsi évaluer l’incertitude globale même si les faibles postes d’émission n’ont pas d’incertitude renseignée.
L’incertitude totale est présentée dans la synthèse des résultats du bilan carbone.
4. Comment interpréter l’incertitude d’un BC et comment la réduire ?
Différents indicateurs peuvent être regardés pour l’interprétation de l’incertitude.
- L’incertitude globale du bilan est un premier indicateur de qualité de l’empreinte carbone
- Faible (<15%) : L’impact réel de l’entreprise est proche de l’estimation évaluée.
- Modérée (entre 15% et 30%) : L’estimation d’empreinte carbone donne un bon ordre de grandeur de l’impact réel de l’entreprise mais il faut identifier quels postes d’émission font gonfler l’incertitude et comment obtenir des données plus précises sur ces postes
- Forte (>30%) : Les résultats du bilan carbone sont à prendre avec des pincettes. L’entreprise doit engager des efforts pour mieux connaître, suivre et consolider ses données d’activité en interne. Si l’impact provient principalement des fournisseurs, il est important d’engager des discussions avec eux pour améliorer la traçabilité et la composition des produits.
- Le type de données et de facteurs d’émission utilisés est un autre indicateur à considérer
- Le pourcentage de données physiques et monétaires.
- Le pourcentage de données spécifiques, semi-spécifiques ou génériques
Pour réduire l’incertitude, l’entreprise peut se fixer des objectifs sur un pourcentage minimal de données physiques ou spécifiques dans les années à venir et réaliser des ACV sur ses produits les plus vendus afin d’affiner la précision de la mesure de l’empreinte environnementale.
{{newsletter-blog-3}}
Les autres ressources autour du bilan carbone :
- le Plan Carbone Général
- Tout comprendre au bilan carbone
- Le bilan carbone, un outil de performance économique
- Comptabilité carbone analytique : faire du bilan carbone un outil stratégique
- Tout comprendre aux facteurs d’émission
Son bilan carbone avec Sami
Sami vous accompagne dans la mesure et la réduction de vos émissions de GES
Les commentaires