Bilan carbone des banques : Source de pollution et moyen d'action

Aurélie Baulard

Impact Manager @GreenGot, alternative bancaire bas-carbone 🦊

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Si l’on vous parle des secteurs qui ont le plus gros impact sur le climat et la biodiversité, vous penserez sans doute aux secteurs de l’énergie, des transports ou encore à l’agriculture. Et c’est vrai, ces activités comptent parmi les plus émettrices aussi bien au niveau mondial que sur le bilan carbone d’une entreprise. Cependant, il y a un autre secteur auquel on ne pense pas assez, et qui soutient tous les autres : la finance !

1. Le saviez-vous ? Votre argent ne dort pas à la banque

Et oui, on ne le sait que trop peu souvent, mais notre argent ne dort pas tranquillement à la banque, il a une vie bien remplie et finance encore trop souvent des projets qui peuvent nuire au climat. Au rythme actuel, les grandes banques françaises nous emmènent vers un réchauffement à +4°C d’ici à 2100, bien loin des 2°C qui sont déjà un horizon fragile et incertain.

1.1 Mais pourquoi est ce que notre argent à la banque pollue ?

Notre argent émet du CO2 de plusieurs façons : par nos dépenses du quotidien (à chaque fois qu’un individu ou une entreprise achète un bien ou un service, des émissions de CO2 sont induites par cet achat) et par l’usage qui en est fait directement ou indirectement par notre banque (quand celui-ci est investi pour financer des projets).

C’est ce qu’affirment de nombreux acteurs ayant travaillé sur la question. En 2019, était publié un rapport d’OXFAM et des Amis de la Terre intitulé « La colossale empreinte carbone des banques » pointant le rôle des 4 plus grandes banques françaises (BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE) dans le réchauffement climatique dû à leurs activités de financement et d’investissement, émettant par ce biais 4,5 fois plus de CO2 que notre pays chaque année.

Source : Rapport « La colossale empreinte carbone des banques », Oxfam & Les Amis de la Terre

La majeure partie des émissions des banques, ne sont ni le fait de leurs serveurs informatiques, ni de la quantité de papier imprimée. Cela, ce n’est que la face émergée de l’iceberg. En réalité, ce sont les investissements et les financements que font les banques (entre autres avec notre argent) qui font exploser leur bilan carbone et qui rentrent dans leurs émissions de gaz à effet de serre indirectes (le fameux scope 3).

Pourquoi ? Parce que notre argent est encore massivement utilisé par les banques pour financer des actifs bruns, parmi lesquels on trouve les énergies fossiles : le charbon, le pétrole et le gaz.

Depuis l’Accord de Paris sur le Climat, les 60 plus grandes banques du monde ont alloué 4600 milliards de dollars aux énergies fossiles. Elles le font non pas par volonté de nuire, ou par cynisme. Selon elles, « elles financent le monde tel qu’il est ». Et le monde tel qu’il est, repose encore sur les énergies fossiles.

1.2 Comment mesurer le bilan carbone d'une banque ?

Si l’on finance une centrale à charbon, il est naturel de considérer que l’on est pour partie responsable des émissions de celles-ci, qui ont été permises grâce à (ou à cause de) l’argent investi. En revanche, il n’est pas simple de déterminer le partage des responsabilités des différentes parties prenantes.

La méthodologie la plus utilisée pour calculer les émissions d'un investissement est celle de la Partnership Carbon Accounting Financials (PCAF), utilisée par exemple par OXFAM et Les Amis de la Terre dans leur étude mentionnée plus haut. Cette méthode de calcul permet d’associer un volume d’émissions de gaz à effet de serre à chaque financement réalisé par la banque ou un fonds d'investissement, selon le type d’actif financier. Si vous voulez rentrez dans le détail de son fonctionnement ne manquez pas notre article dédié.

Pour réaliser ce calcul, il faut à la fois connaître le bilan carbone des entreprises financées par les banques et connaître l’ensemble des flux financiers des banques vers ces entreprises. Avec ces deux informations, on peut imputer les émissions de gaz à effet de serre à la banque selon une logique simple : les émissions de gaz à effet de serre dont la banque est responsable sont celles qu’elle a rendues possibles grâce à son soutien financier.

C’est dans cette logique que la mobilisation contre le projet EACOP de Total (Eastern African Crude Oil Pipeline, un gigantesque oléoduc chauffé de pétrole brut en plein cœur de l'Afrique), se dirige certes contre Total mais aussi contre les banques et assurances qui s’étaient engagées pour financer le projet et sans lesquelles il ne peut pas voir le jour.

Note : il n’est pas simple d’identifier la totalité des transactions réalisées, notamment parce que les banques font appel au secret professionnel vis-à-vis de leurs clients et que certaines transactions sont trop opaques ou trop peu répertoriées. Par ailleurs, le bilan carbone des entreprises financées ne prend pas toujours en compte l’ensemble des 3 scopes. C’est pourquoi le calcul des estimations de gaz à effet de serre associées à notre argent doit être amélioré pour limiter les marges d’incertitudes et que la transparence est un enjeu clé pour la transition du secteur financier.

2. Les banques : un grand pouvoir, de grandes responsabilités ?

Notre argent est donc à la fois un problème mais aussi une potentielle solution pour le climat. Car si nous émettons des gaz à effet de serre par notre consommation et l’argent que nous avons à la banque, ce sont donc autant de leviers que nous pouvons activer, individuellement et collectivement, pour réduire l’impact de notre argent.

2.1 Faire sa part dans l’atteinte de la neutralité carbone globale

L’objectif de 0 émission nette d’ici à 2050, auquel 44 des 60 plus grandes banques mondiales se sont engagées, nécessite pourtant “qu’aucun nouveau champ pétrolier ou gazier ne soit créé”. Il va non seulement falloir arrêter d’investir pour financer de nouveaux projets, mais aussi mettre fin aux projets fossiles existants avant leur terme si l’on souhaite avoir une chance de stabiliser le dérèglement climatique.

C’est pour cela que Lucie Pinson, fondatrice de l’ONG Reclaim Finance et gagnante du Prix Goldman (qui est l’équivalent du Nobel de l’environnement) dit qu’on ne pourra opérer la transition écologique que si on change la finance. La finance peut et doit elle aussi faire sa part pour limiter le réchauffement climatique.

La première chose à faire au niveau collectif, c’est-à-dire via la loi ou par l’initiative des groupes bancaires, c’est de mettre fin aux investissements dans les énergies fossiles et de les rediriger vers la transition écologique. Car sans financements, les compagnies gazières et pétrolières ne pourront plus continuer à explorer, creuser, brûler, transformer et distribuer ces énergies fossiles.

2.2 Comment agir en tant que citoyen ?

Ensuite, au niveau individuel, il ne faut plus laisser ses comptes bancaires (livrets, assurances-vie, comptes-titres…) financer des actifs carbonés (ou bruns) comme le pétrole. Au total, les Français détiennent 5000 milliards d’euros sur leurs comptes épargne. Nous pouvons choisir comment est utilisé cet argent !

On estime à environ 10 tonnes d’équivalent CO2 par Français les émissions liées à notre argent à la banque chaque année. Soit autant que notre impact individuel via notre consommation et nos comportements de tous les jours. Le site combienemetmonargent.info, permet de visualiser l’impact de son argent à la banque. Par exemple, avoir entre 20 000 et 50 000€ chez BNP Paribas émet en moyenne 13 tonnes de CO2 par an et fait fondre l’équivalent de 40m2 de banquise arctique.

Parmi les actions qui existent pour agir à titre individuel, il est donc possible :

  • D’utiliser des monnaies locales (comme la violette à Toulouse)
  • D’investir dans des projets responsables directement via les plateformes de financement (comme Miimosa ou encore KissKissBankBank).
  • De devenir actionnaire d’une entreprise soit vertueuse pour la soutenir (Enercoop, Railcoop), soit fortement carbonée pour demander des changements de pratiques lors des assemblées générales.
  • De changer de banque pour une alternative éthique et écologique. Il en existe plusieurs en France, comme Green-Got, dont Sami a réalisé le bilan carbone sur 2021. Pour faire court, c’est une carte, un compte de paiement et un compte épargne avec lequel les membres peuvent (enfin) choisir quel avenir leur argent finance. C’est aussi sécurisé que votre banque actuelle et les fonds sont garantis à hauteur de 100 000€ par le FGDR. Donc pour vous, ça ne change rien, mais pour la planète et le climat ça change beaucoup de choses.

Changer de banque est loin d’être anecdotique : selon François Gemenne, expert du GIEC, choisir ce que finance son argent est « le premier geste écologique à l’échelle individuelle  ». Un geste simple et efficace. Et nous y sommes prêtes et prêts : 76 % des Français et des Françaises considèrent l’impact environnemental de leur épargne comme un sujet important (étude de l’Autorité des marchés financiers).

2.3 Et pour mon entreprise ?

Les entreprises, quelle que soit leur taille, sont également des acteurs clés pour réaliser la transition de la société. Et elles aussi peuvent agir pour faire bouger les lignes de la finance et redonner du pouvoir à notre argent. Ainsi, une entreprise peut elle aussi agir de plusieurs manières :

  • Demander de la transparence à sa banque : En tant que client, vous avez le droit de demander à votre banque où va votre argent ou ce qu’ils mettent en place pour s’assurer de respecter l’Accord de Paris sur le Climat. Il est possible que la première réponse soit du greenwashing, mais il est aussi possible que les banques changent leurs pratiques si suffisamment d’entreprises le leur demandent.
  • Choisir une épargne (salariale) solidaire : De nombreuses entreprises proposent des plans d’épargne à leurs employés et notamment des plans d’épargne retraite. Comme le reste de l’épargne, celle-ci peut émettre beaucoup de gaz à effet de serre si elle finance des actifs fossiles. On peut donc rediriger ces flux vers une épargne responsable !
  • Se financer grâce au crowdfunding : Si vous avez besoin d’argent, que ce soit d’un prêt ou d’une levée de fonds, il est intéressant de regarder du côté du crowdfunding et de l’impact investing qui vont privilégier les bénéfices sociaux et environnementaux de long terme à la rentabilité financière de court terme. C'est ce qu'a fait Sami en 2022 en levant plus de 3 millions d'euros auprès de sa communauté via la plateforme de crowdequity Tudigo, aussi cliente Sami ♾
  • Changer de banque (encore) : Même principe que pour les particuliers ! Si votre banquier ne peut pas vous garantir que votre argent ne sert pas à financer des projets néfastes pour le climat et le vivant, vous pouvez en changer ! Aujourd’hui, Green-Got est accessible aux micro-entreprises et travaille encore à l’ouverture de comptes pour les associations et les entreprises. Vous pouvez aussi vous tourner vers des acteurs comme le Crédit Coopératif.

Maintenant vous savez tout (ou presque) sur le rôle des banques dans le dérèglement du climat, et les leviers dont vous disposez pour agir.

Nous pouvons choisir d’utiliser notre argent et notre épargne pour financer l’atténuation du réchauffement climatique, sans que cela ne « change rien » pour nous au quotidien : en comprenant l’impact de son argent et en choisissant sa banque et ses placements avec attention. Il ne reste plus qu’à se lancer !

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