Le projet de loi Climat et Résilience a été présenté en février en Conseil des Ministres. Ce texte, censé reprendre les propositions de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC), a pour ambition de permettre à la France de réduire ses émissions de GES de 40% d’ici 2030 par rapport au niveau de 1990, dans un esprit de justice sociale.
Le texte a été vivement critiqué pour ses faiblesses méthodologiques, ses nombreux angles morts, ainsi que pour le manque d’ambition des mesures prévues.
Beaucoup d’amendements ont été déposés par les parlementaires et sont discutés en ce moment même en commission spéciale à l’Assemblée Nationale. Mais on sait déjà qu’un amendement important pour pousser les entreprises à réduire leurs émissions ne verra pas le jour : l’extension des obligations en matière de bilan carbone.
1. Pourquoi une loi climat ?
1.1 Les engagements environnementaux de la France
Cette loi décrite comme la dernière grande loi pour l’environnement du quinquennat Macron introduit, d’après le gouvernement, “des ruptures majeures pour la société française". Pour comprendre le chemin parcouru pour arriver à ce texte, il convient de faire un rapide retour en arrière.
> L’accords de Paris signé par 195 pays en 2015 est l’accord réunissant le plus grand nombre de parties prenantes de l’histoire. Il affiche l’objectif de contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique ”nettement sous les 2° par rapport à l’ère pré industrielle”.
> La France, pour atteindre ses engagements liés à cet accord, s’est donnée pour objectif d’atteindre la neutralité carbone nationale en 2050. Elle se dote pour cela d’un outil : la Stratégie Nationale Bas Carbone, mise en place en 2015 avec la ratification de la Loi sur la Transition Énergétique et pour la Croissance Verte (TECV).
Cette feuille de route pour la décarbonation de la France prévoit des Budgets Carbones, qui définissent des plafonds d’émissions pour des périodes données.
> Pour le moment, le premier budget carbone (2015-2018) a été dépassé. L’objectif 2019 a été respecté, mais les experts pensent que les mesures prises par le gouvernement n’en sont pas la cause. Un hiver 2019 assez doux, et la révision à la hausse du budget carbone expliqueraient mieux cette réussite ! Enfin, les confinements successifs ont fait baisser les émissions de 2020 d’environ 8%.
1.2 Et la loi climat dans tout ça ?
> Ce texte est censé être la retranscription en loi des propositions de la convention citoyenne sur le climat.
> Cette convention a été constituée en 2019 sur demande du premier ministre. Elle reprend une proposition du grand débat national qui a lieu suite au mouvement des Gilets Jaunes en 2018.
> 150 citoyens ont été tirés au sort de manière à “représenter la population française". Ils ont été formé pendant 7 mois aux différents enjeux liés au climat, les deux groupes de travail ont ensuite eu plusieurs sessions pour réfléchir à des propositions pour « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990 ».
Ils ont rendu leurs 149 propositions au Président en juin 2020.
La loi climat présentée au conseil des ministres en février devait reprendre une partie de ces propositions “sans filtre”, d’autres étant incluses dans la loi finances 2021 ou ayant vocation à être portées au niveau européen.
2. La loi climat s’avère être insuffisante
D’après le Haut conseil pour le climat ...
Interdiction de la publicité des énergies fossiles, réglementation renforcée pour les “passoires thermiques”, interdiction des vols intérieurs ayant une alternative en train de moins de 2h30, création d’un délit d’écocide... la loi compte 65 articles traitant des 5 thèmes travaillés par la CCC, que sont : consommer, produire et travailler, se déplacer, se loger, se nourrir.
> Ces dispositions sont jugées insuffisantes: le HCC a publié en février son avis sur le projet de loi Climat et résilience. L’avis est clair, la loi ne va pas assez loin. Elle ne permet pas de rattraper le retard que nous avons déjà pris dans l’atteinte de la neutralité carbone, et ne sera pas à la hauteur de nos objectifs de réduction d’émissions de GES d’ici 2030.
> L’intitulé de la loi “Climat et résilience” est aussi critiqué car la loi se concentre quasi uniquement sur la lutte contre le changement climatique par la réduction des émissions de GES, l’aspect résilience n’est pas du tout pris en compte.
Les membres de la CCC, lors de leur session finale, ont noté le gouvernement. Ils ont évalué la capacité “des décisions du gouvernement relatives aux propositions de CCC à s’approcher de l’objectif de diminuer d’au moins 40% les émissions de GES”. Résultat: 2.5/10.
… et d’après la Convention Citoyenne pour le Climat
Les articles de la loi paraissent intéressants, mais sont en fait très éloignés des propositions initiales de la CCC.

> La proposition “interdiction de la publicité pour les produits les plus polluants”, ce qui aurait par exemple inclut les voitures les plus émettrices devient une “interdiction de la publicité des énergies fossiles”. Sauf que la publicité directe pour les énergies fossiles est très rare (les bouteilles de gaz étant l’exception), mais la promotion des SUV, de l’aviation low cost etc, entraîne une augmentation de la consommation d’énergies fossiles, elles ne seront pourtant pas concernées.
> La CCC proposait également d’interdire les vols intérieurs proposant une alternative en train inférieure à 4h, la loi Climat retient une durée de 2h30. Cela exclut de facto la ligne Paris-Marseille, la plus émettrice de France. Seules 5 lignes sur la centaine de connexions intérieures existantes sont touchées par cette mesure. Parmi les 15 lignes les plus émettrices, seules 3 sont concernées.
> Et surtout, cet article dit qu'un décret sera publié pour prévoir 2 dérogations :

1) si la ligne transporte majoritairement des passagers en correspondance
2) si c'est une ligne "majoritairement décarbonée".
Or le terme "décarboné", qui sera défini dans le décret, pourra a priori inclure un vol ayant fait l’objet d’une compensation carbone ! Les compagnies aériennes pourraient donc simplement acheter des crédits carbone pour continuer à opérer les lignes supposées interdites. Une coquille vide?
> Sur la réduction de la vente de véhicules émetteurs, l’objectif est formulé de façon peu ambitieuse : “L’action des pouvoirs publics tend à ce que, d’ici le 1er janvier 2030, les voitures particulières émettant moins de 95 gCO2/km selon la norme NEDC ou moins de 123 gCO2/km selon la norme WLTP représentent au minimum 95 % des ventes de voitures particulières neuves.”
> Or 95g CO2 par kilomètre, c’est beaucoup! Si la France a un parc automobile qui roule à 90g CO2 / km, la réduction d’émissions par rapport à la situation actuelle sera dérisoire... L'objectif est vraiment peu ambitieux si l’on compare aux pays nordiques, aux Pays-Bas ou au Royaume-Uni, qui édictent des objectifs forts de "petrol and diesel car bans" pour 2030, voire plus tôt (2025 pour la Norvège).
La loi Climat comporte donc de nombreuses faiblesses et insuffisances.
«La loi ne va pas assez loin. Elle ne permet pas de rattraper le retard que nous avons déjà pris dans l’atteinte de la neutralité carbone, et ne sera pas à la hauteur de nos objectifs de réduction d’émissions de GES d’ici 2030.»
Haut Conseil Pour le Climat
3. Un projet de loi qui ne dit rien sur le bilan carbone d’entreprise
3.1 Qu’est ce que le Bilan Carbone?
> Le Bilan Carbone et le plan de transition qui l’accompagne sont d’excellents outils pour accélérer la transition écologique des entreprises et les engager dans l’objectif national de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique.
De plus, c’est un outil qui a fait ses preuves depuis de nombreuses années en France ou à l’étranger pour ses équivalents internationaux.
3.2 Etat des lieux de la réglementation et de ses manques
> Aujourd’hui, le bilan de gaz à effet de serre n’est obligatoire que pour les entreprises de plus de 500 personnes, sur un périmètre d’émissions restreint (Scope 1 et 2) qui ne représente en général qu’une petite partie de l’empreinte carbone complète de l’entreprise.
> De plus, il n’est à renouveler que tous les trois ou quatre ans alors que les émissions peuvent varier significativement sur un temps plus court.
> Enfin, la sanction en cas de non-respect de l’obligation est très faible et donc peu dissuasive, d’autant plus que le contrôle paraît quasi inexistant. Il est donc estimé que moins de la moitié des organisations soumises à cette obligation la respectent.
3.3 Une évolution réglementaire à l’arrêt
> En 2020, un décret devait être mis en place pour étendre le périmètre du Bilan Carbone obligatoire en ajoutant les émissions significatives du Scope 3 (émissions indirectes non liées à l’énergie - les déplacements professionnels par exemple). Mais le décret n’est toujours pas signé, sans que l’on sache pourquoi.
> La CCC a également formulé une proposition ambitieuse sur le sujet, en demandant “d’ajouter un bilan carbone aux bilans comptables de toutes les structures en publiant un”. Cette proposition, acceptée par 95% des membres de la CCC, demandait que ce bilan soit annualisé, étendu au scope 3 (c’est à dire les émissions indirectes, qui représentent la majorité des émissions d’une entreprise) pour les grandes entreprises, et que les aides publiques soient conditionnées par une évolution positive de ces bilans carbone.
> Cette proposition n’a pas du tout été reprise dans le projet de loi “Climat et Résilience”.
> Conscients de l’importance d’une telle mesure, des amendements ont été déposés par des parlementaires de tous bords pour renforcer les dispositions sur le bilan carbone obligatoire. L’amendement principal proposait notamment de:
- de rendre le Bilan GES obligatoire pour les entreprises à partir de 50 employés.
- d’étendre ce bilan à l’ensemble des émissions de l’entreprise (Scope 1, 2 et 3).
- d’annualiser le bilan de gaz à effet de serre et le plan de transition pour les entreprises de plus de 500 salariés et le rendre obligatoire tous les trois ans pour les entreprises qui comptent entre 50 et 500 salariés.
- de renforcer la sanction en cas de non-respect de l’obligation en passant d’une amende forfaitaire au montant relativement faible à une amende qui peut s’élever à 2% du chiffre d’affaires en fonction de la gravité du manquement.
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> Chez Sami, nous soutenons naturellement un tel amendement, qui est un vrai levier d’action des entreprises et du tissu économique. Mais il a été jugé irrecevable par la Commission spéciale qui examine les amendements. Il n’a même pas été discuté, et il n’aura donc pas l’occasion d’être débattu en séance plénière.
> Plus de 5000 amendements différents ont été déposés pour ce projet de loi. Leur taux d'irrecevabilité est exceptionnellement élevé, plus de 40%!
> C’est une nouvelle occasion manquée de se donner les moyens de maîtriser nos émissions de gaz à effet de serre et d’atteindre nos objectifs climatiques.
Conclusion
La loi Climat et résilience présentée par le gouvernement n’est donc pas suffisante. La discussion se poursuit au Parlement, mais les possibilités d’amendement semblent très limitées.
Cette loi est selon nous une occasion manquée d’étendre les obligations en matière de bilan carbone pour faire bouger les entreprises. C’est d’autant plus dommageable qu’aujourd’hui en 2021, des solutions en ligne comme Sami existent pour calculer et réduire le bilan carbone de son entreprise de façon simple à un prix abordable!
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